Fin de l’interdiction des voitures thermiques en 2035 : pour Stellantis c’est encore « insuffisant »

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Pendant des mois, le secteur automobile européen a retenu son souffle. Ce 16 décembre, Bruxelles a finalement levé le voile sur la révision tant attendue de sa stratégie automobile. Et le message est clair : le moteur thermique ne disparaîtra pas totalement en 2035. Officiellement, l’objectif reste la neutralité climatique, mais dans les faits, la Commission européenne revoit sa copie et introduit une flexibilité inédite. Une inflexion majeure… qui ne suffit pourtant pas à Stellantis.

Rupture symbolique avec le « tout électrique »

Jusqu’ici, la trajectoire était limpide : à partir de 2035, seules les voitures neuves zéro émission devaient être autorisées à la vente dans l’Union européenne. Ce dogme est désormais assoupli. Le nouveau paquet automobile acte un changement profond : l’objectif n’est plus zéro émission, mais une réduction de 90 % des émissions de CO₂ à l’échappement.

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Les 10 % restants pourront être compensés par des mécanismes de crédits, via l’utilisation de carburants renouvelables (biocarburants et e-fuels) ou de matériaux à faible empreinte carbone, comme l’acier « vert » produit en Europe. Concrètement, cela ouvre la porte, même après 2035, à des véhicules hybrides rechargeables, a prolongateur d’autonomie, des hybrides légers et certaines motorisations thermiques, aux côtés de l’électrique et de l’hydrogène. Bruxelles assume désormais une approche de neutralité technologique, longtemps réclamée par plusieurs États membres et une grande partie de l’industrie.

Une transition plus graduelle pour éviter le choc industriel

La Commission tente de marcher sur une ligne de crête : maintenir un signal fort en faveur des véhicules à zéro émission tout en évitant un choc industriel brutal. L’automobile reste un pilier économique majeur en Europe, avec des millions d’emplois et une chaîne de valeur complexe. Dans cette logique, plusieurs ajustements viennent assouplir le calendrier :

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  • mise en place d’un mécanisme de réserve et emprunt entre 2030 et 2032, permettant aux constructeurs de lisser leurs objectifs d’émissions sur trois ans ;
  • abaissement de l’objectif de réduction des émissions des véhicules utilitaires légers à –40 % en 2030, contre –50 % auparavant ;
  • flexibilité ciblée également pour les poids lourds.

L’UE reconnaît implicitement que l’électrification progresse moins vite que prévu, notamment sur les utilitaires et dans certaines régions.

Flottes d’entreprise et « Made in Europe » au cœur de la nouvelle stratégie

Autre levier clé : la demande. Bruxelles mise clairement sur les flottes d’entreprises, qui représentent environ 60 % des immatriculations européennes. Des objectifs nationaux contraignants seront fixés pour les grandes entreprises, avec une priorité donnée aux véhicules zéro ou basse émission. Un détail loin d’être anodin : les aides publiques ne pourront concerner que des véhicules produits dans l’Union européenne. Une tentative assumée de protéger l’industrie face à la concurrence extra-européenne, notamment chinoise, et de renforcer l’autonomie stratégique du continent.

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Batteries, simplification et petites voitures électriques

Le paquet automobile ne se limite pas aux normes CO₂. Bruxelles annonce aussi un « Battery Booster » de 1,8 milliard d’euros, dont 1,5 milliard sous forme de prêts à taux zéro pour les producteurs européens de cellules. L’objectif est clair : réduire la dépendance aux acteurs asiatiques et contenir les coûts. Côté réglementation, Bruxelles promet environ 700 millions d’euros d’économies annuelles grâce à la simplification des procédures, notamment sur les tests Euro 7 et les utilitaires électriques.

Enfin, une nouvelle sous-catégorie de petites voitures électriques (moins de 4,20 m) est créée, ouvrant droit à des supercrédits et à des aides ciblées. Une mesure qui bénéficie directement aux constructeurs fortement exposés aux voitures citadines.

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Pour Stellantis, un virage trop timide

Sur le papier, cette révision ressemble à une victoire pour l’industrie. Dans les faits, Stellantis juge ces évolutions largement insuffisantes. Le groupe dirigé par Antonio Filosa a réagi sans détour, estimant que les propositions de Bruxelles « ne sont pas adéquates pour soutenir la transition énergétique tout en préservant une industrie automobile européenne forte et accessible ».

Le principal point de friction concerne les véhicules utilitaires légers, pour lesquels Stellantis dénonce l’absence d’une véritable feuille de route industrielle. Un segment stratégique pour le groupe, mais aussi l’un des plus exposés aux coûts de la transition. Autre critique majeure : le manque de flexibilité sur les objectifs intermédiaires à 2030 pour les voitures particulières, jugée indispensable pour absorber une transition toujours coûteuse et technologiquement complexe.

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Accessibilité et risque social au cœur du débat

Même l’assouplissement du 2035 ne convainc pas totalement le groupe. Le passage de 100 % zéro émission à –90 % est salué comme un signal positif, mais Stellantis avertit : tel qu’il est conçu, le dispositif ne garantit pas la production de véhicules réellement accessibles pour la majorité des clients européens. Derrière cette critique se cache un enjeu central : la transition ne doit pas devenir un problème social. Sans modèles abordables, le risque est de casser le marché de masse et d’exclure une partie des consommateurs.

Une réforme loin d’être terminée

Bruxelles promet une révision complète du règlement en 2032. D’ici là, les équilibres restent fragiles. Pour l’Italie, par la voix d’Adolfo Urso, cette révision est une « brèche dans le mur de l’idéologie », mais encore loin d’un changement structurel. Pour Stellantis, le message est limpide : le moteur thermique est sauvé sur le principe, mais l’industrie automobile européenne reste en danger sur le fond. Sans corrections rapides sur les utilitaires, les objectifs intermédiaires et la définition claire du « produit européen », la transition risque de rester un frein plus qu’un moteur. La bataille politique et industrielle autour de l’automobile européenne est donc loin d’être terminée. Et le dossier du 2035, que beaucoup croyaient clos, ne fait sans doute que commencer.

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