
Fulvio Ballabio est un pilote italien et résident monégasque, qui débute par la Formule Ford en 1978 puis court en F3, en F2 et F3000 en 1985. Dans la seconde moitié des années 80, on l’aperçoit aussi en Endurance aux 24 heures du Mans et même en « Championship Auto Racing Teams » aux États-Unis, tout en s’engageant aussi dans des courses de bateaux Offshore. Mais en parallèle de ses activités de pilote, Ballabio a une autre ambition : créer le premier constructeur monégasque de voitures de sport et produire une sportive de haut niveau, à une époque où la folie des supercars emballe le marché et fait l’objet d’une forte spéculation. C’est chose faite en 1985 avec la naissance de Monte-Carlo Automobiles. Pour se faire, il s’associe à la société de yachts Monte-Carlo Marine. Objectif ? Sortir la voiture pour 1990, année du centenaire de l’Automobile Club de Monaco.
De l’ADN Alfa Romeo…
Le projet n’est pas fumeux, surtout quand on voit les ingénieurs qui s’impliquent dans cette aventure. En figure de proue et directeur technique, nous trouvons tout simplement Carlo Chiti, qui a œuvré chez Ferrari au tournant des années 50-60, avant de fonder Autodelta où il supervisa tous les grands programmes sportifs d’Alfa Romeo entre le milieu des années 60 et le début des années 80. La 33 Stradale, la Giulia GTA, le prototype 33TT12 ou le moteur turbo F1 du Biscione, c’est lui !
Chiti a été rejoint par un autre designer, Guglielmo Bellasi, un des pionniers de la fibre de carbone, qui avait construit sa propre Formule 1 au début des années 70 et ensuite participé au projet de monoplace d’Arturo Merzario. Parmi les autres personnes impliquées, citons aussi Pierluigi Corbari, ancien directeur sportif d’Alfa Romeo dans les années 70.
…croisé avec du Taureau !
L’autre coup de maître de Ballabio consista à trouver un accord avec Lamborghini pour la fourniture de moteurs, faute de pouvoir en concevoir un entièrement nouveau. Le taureau lui accorda la licence d’utilisation du V12 de la Countach. Cependant, Ballabio décida que sa voiture devait se hisser au sommet de la catégorie et dépasser en puissance tout ce qui se faisait de mieux à l’époque.

L’ingénieur Chiti avait fondé en 1985 sa propre société de moteurs Motori Moderni, qui ne laissa pas un souvenir impérissable en F1 avec Minardi puis Coloni, où il développa un énorme 12 cylindres en ligne rebadgé Subaru ! Chiti décida de revisiter le moteur Countach en faisant passer le V12 atmosphérique à la suralimentation, via l’installation de deux turbocompresseurs, un par rangée de cylindres : par conséquent, la puissance passa des 455 à 720 chevaux. Grâce à ces interventions, la GTB Centenaire pouvait compter sur le moteur le plus puissant jamais conçu pour une voiture de route. Ce n’est qu’en 1993 que la Dauer 962 Le Mans fit mieux avec 730 chevaux. Le moteur transmettait le mouvement aux roues arrière par l’intermédiaire d’une boîte manuelle à 5 rapports.
Pionnière !
Mais l’arme secrète de cette Centenaire, c’était son châssis. Monte-Carlo décida de reprendre des technologies issues de la compétition, en ayant recours au Kevlar et à la fibre de carbone, avec une structure en nid d’abeille, le tout d’une seule pièce, c’est-à-dire de type monocoque. Quand la Centenaire arrive en 1989, c’est la toute première voiture de route à être dotée d’une telle technologie, jusque-là éprouvée seulement en F1. Lamborghini avait expérimenté le procédé sur un concept car, la Countach Evoluzione de 1986, mais sans que cela aboutisse à une mise en production. La McLaren F1 arriva en 1992, et il faudra attendre 1995 pour que Ferrari, avec sa F50, propose sa première sportive à monocoque. Pour conclure le travail, les techniciens utilisent également une configuration type F1 pour la suspension, à savoir un triangle de suspension à tige basse (toujours utilisé en Formule 1), avec une barre anti-roulis.

Au total, cinq années de conception et de développement ont été nécessaires pour obtenir un châssis garantissant une rigidité en torsion et en flexion adaptée au moteur. Ce dernier était monté en position centrale arrière, ce qui permettait une répartition optimale des masses, concentrées au centre du châssis.
Le profil aérodynamique était spectaculaire, élancé comme une ogive.

La voiture avait des airs de Lamborghini, surtout de profil, mais avec des traits plus arrondis et fluides, lui donnant un aspect futuriste assez réussi. Son nez très fin pointait vers l’asphalte et lui conférait un excellent coefficient de pénétration aérodynamique. L’aileron arrière, d’un seul tenant et qui se déploie dans le prolongement de la carrosserie, fait penser évidemment aux F40 et autres Venturi.

Très confidentielle
Les deux premiers prototypes Centenaire furent présentés au prince Rainier de Monaco en 1990, comme espéré. Une centaine d’exemplaires devait être fabriquée, mais seulement cinq exemplaires seront construits au final. La récession économique du début de la décennie impacte fortement le marché de la voiture de sport, tandis que les technologies sophistiquées et les méthodes de production artisanales rendent cette Centenaire très chère. Un modèle est actuellement à vendre pour 999 999 € sur le site lesanciennes.com.

Au cours des années suivantes, quelques exemplaires seulement sont présentés, modifiées sur la base des GTB Centenaire invendues, dont une version spider appelée « Beau Rivage ». En 1993, elles sont reprises par un homme d’affaires géorgien qui les fait transformer en deux GT destinées aux 24 Heures du Mans appelées MIG 100. En 1995, Montecarlo Automobile est rachetée par le groupe Aixam Mega qui commercialise quelques voitures dérivées de la Centenaire appelées Mega Montecarlo, équipées de moteurs Mercedes V12. Même dans ce cas, la production ne décolle pas et l’entreprise change à nouveau de mains, revenant à son fondateur et à une équipe de collaborateurs italiens, qui reviendra dans les années 2000 et 2010 avec de nouveaux projets.