
Dans le monde des supercars italiennes, certaines Ferrari atteignent des sommets en matière de prix et de prestige. Mais il existe une catégorie encore plus rare : celle des prototypes. Et parmi eux, les étranges Ferrari 458 équipées d’un moteur V12, surnommées « 458 Frankenstein », occupent une place à part. Construites à Maranello au début des années 2010 pour mettre au point la future LaFerrari, elles sont aujourd’hui devenues des objets de collection aussi fascinants qu’imprévisibles sur le plan de la cote.
Des 458 Italia… pas comme les autres
À première vue, on pourrait croire à une simple 458 Italia. Mais il suffit d’un coup d’œil attentif pour comprendre que quelque chose ne tourne pas rond. Les proportions semblent légèrement modifiées, des trappes rivetées apparaissent sur les flancs, l’arrière est parfois grossièrement découpé pour laisser passer des conduits d’air ou d’échappement. Ces voitures, pourtant officielles, ont été transformées par Ferrari elle-même en véritables laboratoires roulants.

Sous leur carrosserie d’aluminium, elles dissimulent le V12 F140 de 6,3 litres, celui-là même qui propulsera ensuite la LaFerrari et ses 963 chevaux en puissance cumulée (thermique et électrique). Ces prototypes servaient notamment à tester les freins, la suspension, le système de récupération d’énergie et l’ESP de la future hypercar.

Baptisés Muletto M4 ou M6 selon leur phase de développement, ces véhicules circulaient presque quotidiennement autour du circuit de Fiorano entre 2011 et 2013. Certains ont même été surpris sur route ouverte, lourdement camouflés, bien avant la présentation officielle de la LaFerrari en 2013.
| Nom | Année | Phase | Base technique | Objectif principal |
|---|---|---|---|---|
| M4 | 2011–2012 | 1ère phase (Muletto) | 458 Italia | Tests du V12 + hybridation |
| M6 | 2012–2013 | 1ère phase (Muletto) | 458 Italia | Freins, suspensions, ESP |
| MP1 | 2012 | 2e phase | Châssis hybride alu-carbone | Intégration HY-KERS complet |
| PS1 | 2013–2014 | 3e phase (Pre-Series) | Châssis LaFerrari carbone | Validation finale |
| PS2/PS3 | 2014 | 3e phase | LaFerrari complète | Tests finaux client |
Des voitures de test devenues objets de collection
Une fois leur mission accomplie, la plupart de ces prototypes ont été détruits. Mais quelques exemplaires ont survécu, offerts ou vendus à des clients triés sur le volet, à condition qu’ils ne soient jamais immatriculés ni utilisés sur un circuit public. Ces Ferrari hors normes sont donc des témoins uniques du savoir-faire de Maranello, mais aussi des reliques mécaniques sans véritable fonction autre que la contemplation.

En 2022, RM Sotheby’s proposait à Monaco un de ces exemplaires, estimé entre 1,4 et 1,8 million d’euros. Malgré son certificat Ferrari Classiche et son fameux « Yellow Book », le prototype n’avait pas trouvé preneur. Trois ans plus tard, en octobre 2025, le même exemplaire est réapparu, cette fois dans une vente en ligne organisée par RM Sotheby’s depuis Maranello. Et cette fois, il a trouvé acquéreur, à un prix encore tenu secret, mais probablement proche du million de dollars.
Une cote instable
Les résultats de ventes récentes montrent à quel point la valeur de ces prototypes peut varier. En août 2022, un autre mulet de LaFerrari s’était vendu à seulement 715 000 dollars, quand un autre exemplaire atteignait 1,6 million la même année. En 2025, le prototype M4, passé sous le marteau à Pebble Beach, s’est envolé à 1,215 million de dollars. Autre exemple un prototype PS1 vendu 2,5 millions de $ en 2022 n’a ensuite pas trouvé preneur pour 1,9 millions de $ en 2023…
Autrement dit, ces 458 V12 “Frankenstein” défient toute logique de marché. Leur valeur dépend plus de leur histoire individuelle, leur rôle précis dans le développement, leur état, leurs certificats, que d’une cote établie. Leur statut de prototype officiel, parfois fonctionnel mais jamais homologué, en fait des objets d’exception difficiles à évaluer, mais irrésistibles pour les collectionneurs avertis.
Des pièces d’histoire vouées à prendre de la valeur ?
Le modèle M6 récemment vendu, entretenu par Carrozzeria Zanasi à Maranello, a été intégralement documenté par Ferrari, jusqu’aux notes de test et aux panneaux amovibles utilisés durant le développement. Ce niveau de traçabilité en fait une pièce historique unique, comparable à un prototype d’usine de Formule 1.

Difficiles à estimer, impossibles à homologuer, mais fascinants à contempler, ces prototypes de Ferrari 458 à moteur V12 ne sont peut-être pas les plus beaux, et restent un placement risqué à court terme. Mais ils pourraient prendre de la valeur sur le long terme car ils racontent mieux que n’importe quelle autre voiture la naissance d’une légende : celle de la Ferrari LaFerrari.
