
Ferrari vient tout juste de lever le voile sur la fiche technique de sa future Elettrica : 4 portes, 4 moteurs, plus de 1 000 ch, 0 à 100 km/h en 2,5 secondes et une vitesse de pointe de 310 km/h. Avec sa batterie de 122 kWh, l’italienne promet plus de 530 km d’autonomie, une recharge jusqu’à 350 kW et un châssis soigné pour compenser un poids estimé à 2 300 kg. Maranello insiste : cette première Ferrari électrique sera aussi efficace en virage qu’en ligne droite, tout en restant fidèle à l’ADN sportif de la marque.
Mais ces annonces laissent sceptiques certains spécialistes. Nous avons interrogé Quentin Laporte, ingénieur spécialisé dans les motorisations électrifiées, qui analyse les choix techniques de Ferrari avec un œil critique.
« J’avoue avoir du mal à voir en quoi ce qu’ils proposent là est unique. Pour l’instant, les Chinois et les Allemands mènent la danse, techniquement parlant, et je pense qu’ils n’ont aucune chance s’ils veulent les concurrencer sur la puissance pure : va falloir trouver autre chose. »
Batterie et charge rapide : des chiffres en retrait
Avec ses 122 kWh, la Ferrari Elettrica affiche une densité énergétique estimée à 195 Wh/kg. « Pas mal pour un pack », note Laporte, « mais rien de révolutionnaire ». Selon lui, la puissance de recharge annoncée à 350 kW n’impressionne pas non plus :
« 350 kW avec 120 kWh, c’est comme 175 kW avec 60 kWh : ça ne bat aucun record. Même l’autonomie de 530 km n’est pas extraordinaire. »
Face à cela, des concurrentes comme la BYD Han L annoncent un pic à 1 360 kW grâce à un pack 1000V.
Réparabilité des batteries : une promesse en trompe-l’œil ?
Ferrari insiste sur la réparabilité future de son pack composé de 15 modules. Une promesse que l’ingénieur juge peu crédible :
« Le discours sur la réparabilité, c’est du bullshit. On avait le même chez Renault. En pratique, si tu es sérieux, tu remplaces des cellules individuellement. »
Comparaison avec les références du marché
Pour Quentin Laporte, le vrai benchmark reste la Lucid Air Sapphire : 1 234 ch, 2 secondes sur le 0-100 km/h, 330 km/h en pointe et 687 km d’autonomie avec une batterie plus petite.
« La Ferrari semble relativement légère, environ 120 kg de moins que la Lucid, mais ça reste 500 kg de plus qu’une GTC4 Lusso et 300 kg de plus qu’un Purosangue. Ça fait quand même beaucoup. »
Fun à conduire, mais est-ce suffisant ?
Ferrari promet une expérience de conduite ludique, avec palettes au volant pour ajuster régénération et couple, et un travail spécifique sur le son artificiel des moteurs. Un effort louable mais pas forcément suffisant selon l’ingénieur :
« Ça fait cher la Ioniq 5 N… Le seul truc important, c’est de faire quelque chose de bien. Et d’un peu original ! Ferrari, vous n’êtes pas Toyota ! »
Le défi Ferrari
En résumé, Ferrari se lance sur un terrain ultra-compétitif où les Allemands (Mercedes-AMG GT XX) et les Chinois (BYD, Xiaomi, Yangwang) occupent déjà le devant de la scène technologique.
« Ils n’arriveront pas à se distinguer sur la technique, car tout le monde est au même état de l’art. Donc il va falloir innover ailleurs », conclut Quentin Laporte.
Un constat sans concession : Ferrari pourra peut-être compter sur son savoir-faire châssis et sur l’émotion que procure son badge. Mais dans le monde de l’électrique, les cartes sont rebattues et Maranello devra convaincre au-delà des chiffres.