Cizeta-Moroder V16T : la vraie Lamborghini Diablo… mais avec deux V8 ?

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Un moteur 16 cylindres, un dessin signé du papa de la Countach et un investisseur qui a fait la musique de Midnight Express ou encore American Gigolo : vous pensez qu’on a imaginé un projet abracadabrantesque lors d’une crise de délire ? Non, la voiture était bien réelle. C’était la Cizeta-Moroder V16T, un projet qui ne pouvait venir que des années 80 !

Le projet fou d’un homme : Claudio Zampolli

Cette supercar improbable est née de l’imaginaire de Claudio Zampolli, qui a grandi à Modène, ce qui peut difficilement vous faire échapper à l’aura des marques de voitures de sport italiennes. Après avoir travaillé comme ingénieur d’essais et de développement chez Lamborghini, il part aux États-Unis en 1973 afin de développer le réseau de concession du Taureau, alors en pleine réorganisation. Par la suite, Zampolli devient l’un des fournisseurs les plus prisés des stars du show-biz en voitures de sport et de luxe car sa concession était alors implantée sur Hollywood Boulevard à Los Angeles. L’italien travaillait déjà sur le concept d’une supercar de luxe depuis la fin des années 1970 avec une vision bien définie : une voiture radicale, exclusive et sans compromis qui doit dépasser toutes les références du moment.

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Push it to the limit !

Parmi les clients dont il assure l’entretien des bolides se trouve un certain Giorgio Moroder, propriétaire d’une Lamborghini Countach. Oui, LE Giorgio Moroder, le pape du disco, producteur de Donna Summer et compositeur d’un nombre incalculable de tubes des années 70-80 : Take my breath away (Top Gun), Push it to the limit (Scarface) ou encore What a feeling (Flashdance), c’est lui !

Moroder, tout aussi passionné, est emballé et apporte les fonds nécessaires. Les deux italiens s’associent à 50/50 et donnent naissance au projet Cizeta-Moroder, qui vient de la prononciation italienne des initiales du fondateur et designer Claudio Zampolli (CZ – Ci-Zeta).

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Fort de son passé chez Lamborghini, Zampolli réussit à débaucher des gars compétents pour développer la voiture, dont Oliviero Pedrazzi comme ingénieur en chef et concepteur moteur, Achille Bevini et Ianose Bronzatti comme responsables des suspensions et du châssis ou encore Giancarlo Guerra, un ancien de Scaglietti, célèbre pour avoir carrossé la Ferrari 250 GTO. On a connu pire comme CV !

V12 ? Petit joueur !

Du côté de la mécanique, Zampolli ne veut pas un « simple » V12 et estime que la voiture ne peut marcher que si elle s’en démarque. Ce sera donc un V16 transversal ! Personne n’avait jamais tenté une telle folie : Cadillac possédait un V16 dans les années 1930, mais celui-ci bénéficiait d’un espace généreux grâce à un long capot, et vivait une vie tranquille à bas régime. Zampolli confie cette mission technique au chef expérimenté Oliviero Pedrazzi, qui avait supervisé la conception du V8 de l’Urraco.

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Dans la version de Zampolli, le moteur est composé de deux V8 à vilebrequin plat, inspirés de l’architecture du huit cylindres de l’Urraco P300. Le bloc sera une pièce unique moulée sur mesure en aluminium, accouplé à une boîte de vitesses ZF longitudinale à cinq rapports. Cette configuration en T a donné son nom au V16T et s’inspire de la configuration de la Lamborghini Miura. D’une cylindrée de 6,0 litres, le V16 est doté de 64 soupapes, de huit arbres à cames, de deux systèmes d’injection, de quatre culasses et de deux chaînes de distribution, pour développer au total 540 chevaux à 8 000 tr/min et un couple de 715 Nm à 6 000 tr/min. Des chiffres vertigineux pour l’époque, qui dépassent les 492 CV de la Diablo et les 470 CV de la F40, mais qui aboutiront à une supercar de 1700 kilos malgré l’emploi d’un châssis formé de tubes d’acier elliptiques au chrome-molybdène. Une F40 dépasse à peine la tonne en comparaison !

L’autre Diablo

Comment sublimer ce délire technique ? Là encore, les liens tissés chez Lamborghini permettent à Zampolli de prendre contact avec Marcello Gandini, qui avait précédemment conçu la Lamborghini Countach, l’Alfa Romeo Carabo ou encore la Lancia Stratos. Pour beaucoup, la Cizeta est en partie la « vraie » Diablo que Gandini avait imaginée, mais qui fut édulcorée par Chrysler, propriétaire de Lamborghini à partir de 1987, qui fait retoucher le design par le centre de style maison pour la version de série. Agacé par cette « trahison », Gandini aurait soumis le dessin d’origine de la Diablo à Zampolli, qui a cependant demandé quelques ajustements. Ainsi, si la forme du nez avant de la V16T est tirée du design original de la Lamborghini Diablo, l’arrière a subi des modifications de conception apportées par Zampolli lui-même.

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Surtout, afin d’accueillir la monstrueuse mécanique, la poupe fait 2,05 mètres de large, du jamais vu à l’époque ! La ligne générale est clairement futuriste pour l’époque, et la voiture n’aurait pas fait tache dans un décor de film Cyberpunk. Les énormes ailes arrière lui donnent presque un air de fusée, tandis que les ouïes horizontales sur les flancs semblent exacerber celles de la Ferrari Testarossa. Autre choix de conception atypique, la V16T est équipée de quatre phares escamotables, deux empilés verticalement de chaque côté, tandis que les feux arrière sont empruntés à… l’Alpine A610. L’ensemble, tout feux allumés, donne un aspect assez étrange et monstrueux à la bête.

Grosses performances

Les freins sont dotés de disques percés et rainurés tout autour et utilisent des étriers à double piston développés par Brembo. Les roues sont équipées de moyeux de type course, dotés de cinq pions de positionnement et d’un gros écrou central pour la fixation. Enfin, les jantes OZ Racing en aluminium moulé à cinq branches, en deux parties, sont chaussées de pneus Pirelli P Zero 245/40ZR-17 à l’avant et 335/35ZR-17 à l’arrière.

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La voiture est considérée dès le début comme une voiture de sport exclusive, atteignant une vitesse de pointe de 328 km/h et nécessitant seulement 4 secondes pour accélérer de 0 à 100 km/h, tout en étant équipée de nombreuses fonctionnalités de luxe. Elle est présentée en 1988, en Californie, au salon de Los Angeles, devançant de peu la Diablo. L’accueil est plutôt encourageant avec 14 acomptes versés pour lancer la production. Pourtant, un seul prototype portant le nom Cizeta-Moroder sera fabriqué avant la dissolution du partenariat. La voiture, de couleur blanc perle avec un intérieur en cuir rouge, est restée en possession de Moroder et a subi une restauration complète en 2018, après quoi elle a été vendue aux enchères en janvier 2022.

Les planètes ne se sont pas alignées

En 1991, le prix catalogue d’une Cizeta était estimé à 300 000 dollars américains. Seuls huit exemplaires (dont un prototype) furent effectivement construits de 1991 à 1995, avant que l’entreprise ne délocalise ses activités de Modène, en Italie, à Fountain Valley, en Californie. Mais les circonstances se liguèrent contre elle : le ralentissement économique du milieu des années 1990, conjugué à la non-conformité de la voiture pour la réglementation américaine (un comble !) et le prix élevé, limitent la production à la fabrication sur commande. Le marché asiatique offre de belles perspectives, mais la crise financière qui y sévit également coupe l’élan.

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Pis, peu après le lancement de la voiture, Giorgio Moroder et Claudio Zampolli se séparent suite à un différend concernant la lenteur de la production de la voiture, engendrée notamment par la fabrication de la carrosserie en aluminium au lieu des matériaux composites. Moroder souhaitait que la voiture ait une carrosserie en fibre de verre et se rapprocha de Porsche secrètement, ce qui finit par parvenir aux oreilles de son partenaire. La rupture est alors consommée. Ainsi, si la voiture fait ses débuts sous le nom de Cizeta-Moroder, toutes les voitures des clients seront simplement badgées Cizeta V16T.

Encore commandable en 2018 !

Trois autres voitures furent produites (deux coupés et un spyder) en 1999 et 2003. La voiture fabriquée en 2003 était une variante cabriolet de la V16T appelée Cizeta Fenice TTJ Spyder, réalisée à la demande spéciale d’un client japonais. Au 1er mai 2006, la voiture était toujours produite sur commande, mais son prix était désormais de 650 000 dollars. Lors d’une interview de 2018, Zampolli considérait la voiture comme théoriquement toujours en production et disponible à l’achat, bien qu’aucune voiture n’ait été construite depuis la Spyder de 2003. Zampolli est finalement décédé le 7 juillet 2021, à l’âge de 82 ans.
La Cizeta V16T reste l’une des supercars italiennes les plus folles et les plus exotiques jamais imaginées. Elle est à ce titre l’une des supercars les plus prisées et inspirantes, aux côtés des Countach, Diablo, Testarossa et DeLorean, dans le genre musical et visuel du Synthwave/retrowave, qui puise son imaginaire dans les années 80.

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1 avis sur « Cizeta-Moroder V16T : la vraie Lamborghini Diablo… mais avec deux V8 ? »

  1. Quelle folie ! ça manque un peu ce genre de délire qui implique des stars.

    D’ailleurs, qu’est-ce que cela a donné pour la fiabilité des modèles existants, ce serait intéressant à savoir.

    Répondre

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