L’Alfa Romeo 155 GTA Stradale : la mal-aimée qui aurait pu rivaliser avec la BMW M3

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L’Alfa Romeo 155 a eu une destinée bizarre. Si sa version de compétition, la V6 Ti DTM, est devenue une voiture de course culte, auréolée de son succès en DTM, sa version de route reste une mal aimée dans la lignée des berlines. S’étant faite très rare sur les routes, la 155 se voit très rarement aussi dans les clubs et les rassemblements Alfa Romeo. La 155 fut oubliée, coincée sa devancière, une 75 « adulée » par une partie des Alfistes, nostalgiques de la dernière Alfa Romeo conçue avant le rachat par FIAT, et son héritière, une 156 unanimement considérée comme l’une des plus belles berlines de l’histoire du Biscione (et elle aussi au palmarès sportif exceptionnel). La 155 eut une carrière très courte (5 ans) avec moins de 200.000 exemplaires produits.

Alfa Romeo 155 : le vilain petit canard ?

Développée après le rachat d’Alfa Romeo par FIAT, la 155 bénéficia d’une synergie de groupe qui fut rentable d’un point de vue économique, mais heurta la sensibilité des puristes. Depuis 1986, Alfa Romeo était devenue une filiale de FIAT et avait fusionné avec Lancia dans l’entité Alfa Lancia Industriale. Reprenant la plateforme de la FIAT Tempra et des trains roulants issus de la Fiat Tipo, la 155 fut perçue comme une « bâtarde », qui renonçait de surcroit à l’architecture Transaxle (moteur longitudinal et propulsion, boite de vitesse à l’arrière, essieu rigide), adorée des alfistes, au profit de la simple traction. Pourtant, cela apportait un peu de neuf, alors que la 75 de 1985 reprenait une plateforme inaugurée en 1972 !

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Le style cunéiforme assez particulier de la 155, avec une poupe très relevée, imaginé par Ercole Spada, semblait également un peu daté au début des années 90 alors que le design s’adoucissait et retrouvait le goût de la courbe. Au final, l’Alfa Romeo 155 semblait commettre un blasphème aux yeux des Alfistes, comme si elle avait renié son identité, dissoute dans la synergie de groupe, ses économies d’échelle et ses organes mécaniques moins « nobles ». Toute ressemblance avec une autre époque est purement fortuite…

Pourtant, cette 155 conservait quelques atouts, dont des mécaniques plaisantes, à l’image des moteurs 4 cylindres Twin Spark ou l’incontournable et légendaire V6 2.5 Litres « Busso ». Mais un modèle en particulier aurait pu tout changer.

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Zagato tente sa chance

Dès 1993, Ercole Spada relance l’idée d’une Alfa Romeo 155 survitaminée en travaillant avec le carrossier Zagato. Baptisée TI-Z, cette 155 Zagato est basée sur la Q4. Elle se démarque par un kit aérodynamique spécifique, avec n grand aileron arrière, des ailes élargies, ainsi que de nouveaux boucliers. Elle reçoit le moteur de 215 chevaux de la Delta HF Intégrale, et non la version dégonflée installée sur la Q4.

Alfa Romeo 155 TI-Z

Zagato pousse le bouchon un peu plus loin avec une GTA-Z au look encore plus musclé, mais la marque reste insensible à cette proposition, qui trouvera un exutoire au Japon avec la production de 24 exemplaires, assemblés entre 1995 et 1996 et vendus sous le nom d’Alfa 155 TI-Z.

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Bête de course

Cependant, après le bide du programme F1 des années 80 et les projets avortés de la 164 Procar ainsi que du prototype du Mans SE048, la synergie de groupe permis à Alfa Romeo de redorer son blason sportif, en héritant de l’ancienne équipe du département Abarth, à laquelle on devait la Lancia Delta Intégrale et ses versions rallye.

Alfa Romeo 155 GTA

Dès 1992, Abarth développa la version de compétition de la 155, baptisée GTA, afin de l’engager dans le championnat d’Italie de supertourisme. Cette 155 GTA, qui ressuscitait le légendaire blason de la Giulia GTA des années 60-70, reçut une traction intégrale permanente, un moteur turbo 2 litres poussé à 400 ch, une boîte 6 vitesses et un système de freinage avec disques en carbone dérivé de la technologie F1. Dès sa première saison, la berline décroche le titre italien du superturismo (CIVT) avec Nicolas Larini, prélude au triomphe l’année suivante dans le championnat DTM avec la 155 V6 TI qui répondait à la catégorie Class 1 du championnat allemand.

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Alfa Romeo 155 GTA Stradale : génétiquement croisée avec la Delta

En réponse au triomphe sur les circuits de la GTA puis de la V6 Ti, un groupe d’ingénieurs, sous la direction de Sergio Limone, le « père » de la Lancia 037 Rally, travaille sur une version de route, la « GTA Stradale ». Cette berline survitaminée pourrait ainsi rivaliser avec les références allemandes BMW M3 E30 ou la Mercedes 190E 2.5-16, puisque les germains savent parfaitement exploiter commercialement les succès en compétition en proposant des versions dévergondées de leurs berlines. Elle devait initialement être produite en petite quantité, une série limitée à moins de 50 exemplaires.

Alfa Romeo 155 GTA Stradale. Photo Bonhams

Le prototype est basé sur la 155 Q4, avec la plate-forme de la Lancia Delta Intégrale, mais un différentiel d’essieu arrière en acier moulé au lieu d’aluminium, afin de déplacer un peu l’équilibre des poids vers l’arrière. La 155 GTA reprend de la Delta la suspension mais aussi le moteur turbo à quatre cylindres 2 Litres issu de la HF. Le bloc est préparé conformément à la réglementation du groupe N, comprenant un turbocompresseur Garrett T3 et un système d’injection électronique multipoint de Magnetti Marelli. Les données de performances exactes n’ont pas été annoncées, mais elles devaient approcher les 220 chevaux.

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Visuellement, la 155 GTA Stradale ne fait pas dans la demi-mesure. La carrosserie, en fibre de carbone, s’inspire de la V6 TI DTM, avec des ailes plus larges, des tabliers redessinés et un aileron arrière noir proéminent. Au salon de l’automobile de Bologne en 1994, la voiture fait ses débuts publics avec un intérieur prêt pour la course, c’est-à-dire un seul siège et un arceau de sécurité à part entière. Plus tard, un intérieur à part entière avec quatre sièges recouverts de cuir est installé. Seul le volant sport à rayons fins et la console centrale ne correspondent pas à l’état standard d’une 155 normale.

Au final, Alfa Romeo ne donnera jamais le feu vert. Les pièces de carrosserie modifiées et l’éventualité d’installer un V6, plutôt qu’un 4 cylindres, auraient rendu nécessaire une deuxième ligne de production et donc engendré d’importants coûts de production. Le projet a été arrêté malgré les précommandes entrantes, qui avaient été alimentées par l’utilisation du prototype comme voiture médicale au Grand Prix de Formule 1 de Monza en 1994. Ce fut sans nul doute une « occasion manquée », comme d’autres dans l’histoire du Biscione. Le prototype, passé ensuite entre plusieurs collectionneurs, fut estimé en 2018 à près de 200.000 euros dans le cadre d’une vente aux enchères de Bonhams.

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Les Alfistes purent se consoler rapidement avec la 156, à laquelle Alfa Romeo donna enfin une version GTA en 2002.


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